Un tournant budgétaire aux conséquences majeures pour les retraités
Les récentes interventions du Premier ministre François Bayrou ont dessiné un paysage contrasté et complexe pour l’avenir des retraites en France. D’un côté, le « conclave social » de juin 2025 a été présenté comme une quête de consensus et de justice sociale, aboutissant à des « avancées » ciblées.1 De l’autre, les annonces de juillet 2025 ont révélé un plan d’austérité d’une ampleur inédite, motivé par l’urgence de maîtriser une dette publique jugée insoutenable.2
Le “stop à la dette” : raison d’être d’un plan d’économies drastique
Pour justifier la rigueur de son plan, François Bayrou a dressé un diagnostic sans concession de l’état des finances publiques. Il décrit une France « accro aux dépenses publiques » 2, où les dépenses représentent 57 % du produit intérieur brut (PIB) contre seulement 50 % de recettes.4 Cette situation, entretenue depuis des décennies, a conduit à une « malédiction » du surendettement qui, selon lui, menace la souveraineté et la liberté du pays.2
Ce plan pluriannuel (2026-2029) vise à enrayer l’augmentation de la dette en ramenant le déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 à 2,8 % en 2029.2 C’est dans ce cadre que s’inscrivent les 44 milliards d’euros d’économies à trouver, justifiant des mesures chocs.
L’« année blanche » de 2026 : analyse d’une mesure choc
Définition et portée de la mesure
L’« année blanche » annoncée pour 2026 est la mesure la plus spectaculaire du plan d’économies. Elle consiste à geler, pour une année, la revalorisation de l’ensemble des prestations sociales (pensions de retraite, allocations familiales, RSA, APL), du point d’indice des fonctionnaires et des barèmes de l’impôt sur le revenu.2 François Bayrou a confirmé qu’il n’y aurait « pas d’exception » à cette règle. Pour justifier cet effort, le gouvernement avance l’argument d’une inflation très faible, prévue à 1,1 % en 2026, qui limiterait la perte de pouvoir d’achat en termes réels.7
Chiffrage de l’impact budgétaire et social
Cette mesure doit permettre à l’État de réaliser des économies substantielles, estimées à environ 7 milliards d’euros au total pour 2026. L’Institut des Politiques Publiques (IPP) a détaillé la répartition de cet effort.
Mesure | Économies budgétaires pour l’État (en milliards d’euros) |
Gel des retraites de base | ~2,6 Mds |
Gel des prestations sociales (CAF, RSA, etc.) | ~1,3 Mds |
Gel du barème de l’impôt sur le revenu | ~1,8 Mds |
Total estimé | ~5,7 Mds |
Source : Données basées sur les analyses de l’IPP, juin 2025
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu constitue une hausse d’impôt déguisée. En effet, même avec une faible augmentation de leur pension ou revenu nominal, certains contribuables basculeront mécaniquement dans une tranche d’imposition supérieure ou verront la part de leur revenu imposée au taux marginal augmenter, ce qui alourdira leur facture fiscale.
Contrairement au discours sur un effort « juste », les analyses économiques montrent que l’année blanche est une mesure régressive. Selon l’IPP, les 5 % des ménages les plus modestes pourraient voir leur niveau de vie diminuer de près de 1 %, contre moins de 0,3 % pour les 5 % des ménages les plus aisés. La raison est simple : les prestations sociales, qui sont gelées, représentent une part beaucoup plus importante du revenu des ménages pauvres.
La fin de l’abattement de 10 % : une réforme fiscale ciblée sur les retraités
En parallèle de l’année blanche, le gouvernement a annoncé une réforme structurelle de la fiscalité des retraités : la suppression de l’abattement de 10 %. Actuellement, les retraités bénéficient d’un abattement de 10 % sur le montant de leur pension brute déclarée, avec un plafond. Ce dispositif avantage mécaniquement, en valeur absolue, les pensions les plus élevées.
Le plan Bayrou prévoit de remplacer cet abattement proportionnel par un forfait annuel fixe de 2 000 euros pour tous les retraités, et ce, dès l’imposition des revenus de 2026.5 Le gouvernement présente cette réforme comme une mesure de justice sociale visant à « avantager les petites retraites, de garantir un pouvoir d’achat inchangé aux retraites moyennes et de remettre dans le droit commun les retraites les plus importantes ».5
L’analyse de cette mesure révèle un point de bascule clair. Le forfait de 2 000 euros est équivalent à un abattement de 10 % pour une pension annuelle brute de 20 000 euros, soit environ 1 667 euros par mois.
- En dessous de ce seuil, les retraités seront gagnants, car le forfait de 2 000 euros sera plus avantageux que l’abattement de 10 %.
- Au-dessus de ce seuil, les retraités seront perdants et paieront plus d’impôts, la perte augmentant avec le niveau de la pension.
Pension Annuelle Brute | Différence sur la base imposable |
15 000 € | -500 € (Gagnant) |
20 000 € | 0 € (Neutre) |
25 000 € | +500 € (Perdant) |
35 000 € | +1 500 € (Fortement perdant) |
Pour les retraités dont la pension dépasse 1 667 euros par mois, cette réforme s’ajoute au gel de leur pension. C’est ce que les élus du parti Les Républicains ont qualifié de « double peine » 8 : non seulement leur pouvoir d’achat est érodé par le gel, mais leur charge fiscale augmente simultanément.
Les « avancées » du conclave social : des ajustements à la marge
Avant le choc budgétaire de juillet, le gouvernement avait mis en scène un long processus de dialogue social de février à juin 2025.1 Ce « conclave » était une condition politique posée par les socialistes pour ne pas censurer le gouvernement.3 Cependant, le cadre de la discussion était strict dès le départ, avec deux lignes rouges fixées par François Bayrou : garantir l’équilibre financier du système d’ici 2030 et ne pas revenir sur le report de l’âge légal de départ à 64 ans, pilier de la réforme de 2023.1
Dans ce périmètre contraint, plusieurs « avancées » ont été actées 1 :
- Pénibilité : Trois critères ergonomiques (port de charges lourdes, vibrations, postures pénibles), qui avaient été sortis du compte pénibilité en 2023, sont réintégrés. L’accent est mis sur la prévention, via une cartographie des métiers à risque et des visites médicales. Le point crucial de la « réparation », c’est-à-dire la possibilité d’un départ anticipé, reste cependant un sujet de désaccord majeur avec les syndicats et a été reporté.1
- Femmes et carrières hachées : C’est la concession la plus significative. L’âge d’annulation de la décote (taux plein automatique) pour les personnes n’ayant pas tous leurs trimestres est abaissé de 67 à 66,5 ans. De plus, les trimestres de maternité sont mieux pris en compte pour les carrières longues, et la base de calcul de la pension est améliorée pour les mères (calcul sur les 23 ou 24 meilleures années au lieu de 25).
- Carrières longues : Ce dossier reste un point de friction. Les syndicats demandent un assouplissement des conditions, mais le gouvernement a indiqué que les arbitrages finaux seraient rendus plus tard, probablement lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale à l’automne.1
Ces ajustements, bien que réels pour les personnes concernées, apparaissent comme des concessions calculées. Elles permettent au gouvernement de se prévaloir d’un dialogue social réussi et d’une humanisation de la réforme, tout en préservant intact son élément le plus contesté et le plus structurant sur le plan budgétaire : l’âge de départ à 64 ans. En offrant des améliorations ciblées à des groupes spécifiques, cette stratégie vise aussi à rendre plus difficile la constitution d’un front uni d’opposition à l’ensemble du système.
Conclusion : quel avenir pour les retraites ?
La séquence ouverte par François Bayrou place les retraités français au centre d’un effort budgétaire majeur. Pour redresser les finances publiques, le gouvernement demande une contribution significative via une « année blanche » et une réforme fiscale qui pénalisera les pensions moyennes et supérieures. Ces mesures de rigueur ne sont que marginalement compensées par des ajustements sociaux ciblés, issus d’un conclave qui n’a pas touché au cœur de la réforme de 2023.
La véritable épreuve de force aura lieu à l’automne 2025, lors de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 au Parlement. C’est à ce moment que ces annonces devront être traduites en loi et que les équilibres politiques précaires seront testés. Pour des millions de retraités, l’avenir à court terme est donc marqué par une profonde incertitude. Leur situation financière pour 2026 dépend désormais de l’issue d’un bras de fer politique dont l’issue est imprévisible, où la notion de « juste retraite » semble plus que jamais prise en étau entre les réalités budgétaires et les stratégies partisanes.
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Sources des citations
- Conclave sur la réforme des retraites : François Bayrou souligne les …, consulté le juillet 22, 2025, https://www.info.gouv.fr/actualite/conclave-sur-la-reforme-des-retraites-francois-bayrou-souligne-les-avancees
- Déclaration de M. François Bayrou, Premier ministre, sur le plan d’action du Gouvernement relatif aux finances publiques, Paris le 15 juillet 2025., consulté le juillet 22, 2025, https://www.vie-publique.fr/discours/299543-francois-bayrou-15072025-plan-d-action-relatif-aux-finances-publiques
- Objectifs, durée, participants… Conclave sur les retraites : à quoi s’attendre ? – Public Sénat, consulté le juillet 22, 2025, https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/objectifs-duree-participants-conclave-sur-les-retraites-a-quoi-sattendre
- Un cap clair et des efforts supplémentaires pour redresser les finances publiques, consulté le juillet 22, 2025, https://www.economie.gouv.fr/actualites/un-cap-clair-et-des-efforts-supplementaires-pour-redresser-les-finances-publiques
- Budget 2026 : orientations budgétaires, mesures d’économies… Les annonces de François Bayrou | LCP – Assemblée nationale, consulté le juillet 22, 2025, https://lcp.fr/actualites/budget-2026-orientations-budgetaires-mesures-d-economies-les-annonces-de-francois-bayrou
- Prononcé le 27 janvier 2025 – Francois Bayrou 27012025 LCI budget 2025 immigration impot et retraites – Vie publique, consulté le juillet 22, 2025, https://www.vie-publique.fr/discours/297127-francois-bayrou-27012025-lci-budget-2025-immigration-impot-et-retraites
- Impôts et prestations: quels effets attendre d’une « année blanche »? – OFCE.Sciences-Po.fr, consulté le juillet 22, 2025, https://www.ofce.sciences-po.fr/blog2024/fr/2025/20250630_PIM/
- Gel des pensions, abattement de 10 % : les LR font-ils leur mue sur la participation des retraités à l’effort budgétaire ? – Public Sénat, consulté le juillet 22, 2025, https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/gel-des-pensions-abattement-de-10-les-lr-font-ils-leur-mue-sur-la-participation-des-retraites-a-leffort-budgetaire
- Retraites : les députés PS déposent une motion de censure motivée par la ‘trahison’ de François Bayrou | LCP – Assemblée nationale, consulté le juillet 22, 2025, https://lcp.fr/actualites/retraites-les-deputes-ps-deposent-une-motion-de-censure-motivee-par-la-trahison-de
- Retraites : François Bayrou espère ‘une voie de passage’, les socialistes annoncent une motion de censure | LCP – Assemblée nationale, consulté le juillet 22, 2025, https://lcp.fr/actualites/retraites-francois-bayrou-espere-une-voie-de-passage-les-socialistes-annoncent-une